Mediapart s’est procuré le film de l’interview de Ziad Takieddine, dont BFMTV n’avait publié qu’un court extrait, déjà peu convaincant, pour voler au secours de Nicolas Sarkozy. Le reste de l’entreti…
(Je n'ai pas encore l'article complet, si quelqu'un veut bien le poster.)
il devait dire qu’il avait été manipulé par le juge Tournaire. »
« En fait ce sont les trois phrases dites sur BFM », a résumé Lisa H. La séance photo, elle, n’est possible qu’à la fin.
« Ça se passe plutôt bien. J’ai pu faire les photos que je voulais, a poursuivi Sébastien Valiela. Le seul problème c’est qu’on était dans les montagnes, et qu’il fallait qu’on fasse des photos à Beyrouth pour que lecteur situe la chose. » Takieddine « propose d’aller à la Marina » de la capitale. Le photographe n’est pas convaincu, c’est la fin de journée, la lumière décline, et la Marina « n’avait rien d’excitant ».
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« Je commence quelques photos, et je me rends compte que ça ne va pas être possible, ça va être moche. Je vais voir Mimi et je lui dis qu’il faut qu’on en refasse le lendemain, dans un endroit typique de Beyrouth. » Sébastien Valiela range son matériel, et Takieddine rejoint ses accompagnateurs restés à quelques mètres pendant la séance photo. Le journaliste de Paris Match a rejoint son hôtel pour écrire son article.
« À ce moment-là, le groupe revient vers moi en me disant qu’il faut faire une vidéo, raconte le photographe. Je réponds que je peux filmer avec mon téléphone. [...] Je ne suis pas un spécialiste de la vidéo, mais je lui dis de se mettre sur un petit banc où il y avait mes affaires. Je lui installe un micro, je fais un décompte et il part. Il me fait son discours. À la fin du premier, il enlève le truc, il dit “non, non”, puis il veut en faire une seconde. Et il recommence une deuxième fois. »
« Cela s’est décidé sur place, a poursuivi Sébastien Valiela. À un moment, on avait pensé filmer l’interview mais Takieddine n’était pas d’accord. [...] La vidéo sur le port, ça s’est fait en dernière minute. Je pense qu’au début, Match ou Mimi préféraient que l’interview soit filmée parce qu’il se contredit toutes les cinq minutes. Mais il a refusé. Après ça s’est décidé quand je rangeais mon matériel, si ça se trouve c’est Takieddine qui a demandé. Je ne sais pas, moi j’étais en train de ranger mon matos quand ils ont décidé ça. »
MÉDIAS - ENQUÊTE
Opération « Sauver Sarko » : des images inédites montrent l’ampleur de la manipulation de BFMTV
16 juillet 2024 | Par Fabrice Arfi, Karl Laske et Antton Rouget
Mediapart s’est procuré le film de l’interview de Ziad Takieddine, dont BFMTV n’avait publié qu’un court extrait, déjà peu convaincant, pour voler au secours de Nicolas Sarkozy. Le reste de l’entretien, qui n’a jamais été montré par la direction au reste de la rédaction, est pire. Nous le diffusons en intégralité.
Les images parlent d’elles-mêmes. Du contenu de l’interview de Ziad Takieddine, on ne connaissait jusqu’à ce jour qu’un court extrait de 32 secondes, diffusé le 11 novembre 2020 en « exclusivité » sur les antennes de BFMTV. Sur ces images, filmées avec un téléphone portable et coupées à la va-vite, l’architecte des relations entre Nicolas Sarkozy et la dictature de Mouammar Kadhafi revenait sur ses déclarations précédentes pour dédouaner subitement l’ancien président de la République dans l’affaire des financements libyens. Ziad Takieddine apparaissait avachi sur un muret, un micro mal attaché au revers de sa chemise, le propos balbutiant, comme s’il lisait un prompteur, ou tentait de répéter un texte comme on récite un poème à l’école.
Mais ce qui n’a pas été montré à l’antenne était pire encore. Les rushs de l’entretien – que Mediapart a obtenus et diffuse ci-dessous – révèlent que BFMTV a non seulement relayé sans aucune vérification les propos douteux de l’intermédiaire (dont il est aujourd’hui avéré qu’il avait reçu des promesses de contreparties financières pour se dédire), mais que la chaîne a aussi sciemment coupé d’autres passages de l’entretien qui ne collaient pas au narratif du clan Sarkozy.
Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir reçu des fonds du dictateur libyen Mouammar Kadhafi afin de financer sa campagne présidentielle victorieuse de 2007. Le procès de l’ancien président de la République devrait démarrer en janvier 2025.
L’intégralité des images montre que Ziad Takieddine est très confus et se contredit. Il argue du fait que le juge d’instruction Serge Tournaire, qui fut l’un des magistrats chargés de l’enquête libyenne, lui aurait « fait dire des propos contraires à ce qu[’il a] toujours dit » – alors même que l’intermédiaire a réitéré ses accusations à plusieurs reprises sur procès-verbal ou même en interview. Ce point a d’ailleurs été immédiatement démenti par la propre avocate de Ziad Takieddine ainsi que par le Parquet national financier (PNF), la chaîne n’ayant manifestement pas pris la peine de vérifier ce témoignage auprès de sources extérieures.
La direction de BFMTV, qui travaillait main dans la main avec la chargée de presse de l’ex-président Véronique Waché et la communicante Michèle Marchand, a également coupé de son montage tous les passages dans lesquels Ziad Takieddine soutient que les fonds libyens n’ont pas été versés à Nicolas Sarkozy... mais à son bras droit, Claude Guéant.
Comment la première chaîne d’information en continu de France a-t-elle pu prendre la décision de diffuser un « scoop » aussi mauvais sur la forme qu’inepte sur le fond ? Comment a-t-elle pu considérer que l’intermédiaire était crédible quand il dédouanait Nicolas Sarkozy mais qu’il ne l’était pas lorsqu’il incriminait Claude Guéant ? Et qui, concrètement, a sélectionné les passages pour ne retirer de cette vidéo qu’un court extrait épargnant Nicolas Sarkozy ?
Sollicité à ce sujet, Marc-Olivier Fogiel – auditionné mardi 16 juillet pour le renouvellement de la fréquence de sa chaîne devant l’Arcom, l’autorité de régulation – n’a pas répondu. « L’antenne a comme à chaque fois travaillé en toute indépendance et a été journalistiquement irréprochable », s’est contenté d’affirmer à l’AFP le directeur général de BFMTV le jeudi 11 juillet, au lendemain de la révélation par Mediapart de ses échanges montrant ses liens avec la chargée de presse Véronique Waché.
Marc-Olivier Fogiel, qui est surtout un intime de « Mimi » Marchand depuis de nombreuses années, a aussi expliqué à la société des journalistes (SDJ) de la chaîne que les images de l’interview de Ziad Takieddine avaient été « montrées » avant diffusion au service police justice de la rédaction. Dans le documentaire « Media Crash » (à voir ici) puis dans l’émission « Complément d’enquête », un ancien rédacteur en chef de BFMTV, Romain Verley, qui était en poste le jour de la diffusion de la vidéo Takieddine, avait pourtant révélé que l’interview n’avait pas été partagée au sein de la rédaction mais lui avait été imposée, déjà coupée et finalisée, par la direction de la chaîne.
Une vidéo vendue 1 200 euros
Les investigations judiciaires sur la fausse rétractation de Ziad Takieddine – dans lesquelles Nicolas Sarkozy et son épouse, Carla Bruni-Sarkozy, ont été mis en examen au milieu d’un aréopage hétéroclite de proches – ont permis de retracer une partie du circuit de production, qui a été totalement externalisé, sans jamais être recoupé par des journalistes de terrain.
En audition, le photographe Sébastien Valiela, qui avait été dépêché avec Mimi Marchand à Beyrouth pour l’entretien, a expliqué que c’est lui qui avait « envoyé » la vidéo « directement » à Marc-Olivier Fogiel. « Mimi m’a dit de lui envoyer et de voir directement avec lui. C’est moi qui ai facturé à BFM. La vente de la vidéo a fait l’objet d’une facturation spécifique par mon agence à BFM », a-t-il également affirmé, précisant avoir été payé 1 200 euros pour la vidéo (et 4 500 euros pour les photos vendues à Paris Match).
L’équipe était arrivée le 22 octobre à Beyrouth, et s’était retrouvée le lendemain pour réaliser l’interview. Sébastien Valiela était accompagné de François Delabarre, journaliste de Paris Match, de Mimi Marchand mais aussi de Noël Dubus, intermédiaire plusieurs fois condamné pour escroquerie, et de son assistante, Lisa H., qui ont convaincu Ziad Takieddine de parler.
Initialement, d’après le récit de Sébastien Valiela aux enquêteurs, l’interview aurait dû se faire dans la « maison de jeunesse » du Libanais, « à une heure de Beyrouth, dans les montagnes ». Mais sur place, Ziad Takieddine n’a plus accès à la propriété. « Il nous a montré sa maison par les fenêtres, par l’extérieur. Moi ça me compliquait la tâche pour les photos », a expliqué le photographe. Un premier entretien, qui dure plus de deux heures avec des pauses, a quand même lieu sur place avec François Delabarre, qui enregistre l’interview.
« Il ne prend pas de notes, a relevé en audition Lisa H. Il lui parle de toutes les affaires, et du financement libyen de la campagne de Sarkozy. Ziad, comme à son habitude, au lieu de faire schématiquement de A à B directement, il se perd avant d’arriver à B dans des digressions. Noël essayait de le cadrer. Il devait dire des phrases clefs. Les phrases clefs étaient : “Je n’ai jamais donné d’argent à Nicolas Sarkozy”, “Sarkozy n’a pas touché cinq millions”, [...] et il devait dire qu’il avait été manipulé par le juge Tournaire. »
« En fait ce sont les trois phrases dites sur BFM », a résumé Lisa H. La séance photo, elle, n’est possible qu’à la fin.
« Ça se passe plutôt bien. J’ai pu faire les photos que je voulais, a poursuivi Sébastien Valiela. Le seul problème c’est qu’on était dans les montagnes, et qu’il fallait qu’on fasse des photos à Beyrouth pour que lecteur situe la chose. » Takieddine « propose d’aller à la Marina » de la capitale. Le photographe n’est pas convaincu, c’est la fin de journée, la lumière décline, et la Marina « n’avait rien d’excitant ».
« Je commence quelques photos, et je me rends compte que ça ne va pas être possible, ça va être moche. Je vais voir Mimi et je lui dis qu’il faut qu’on en refasse le lendemain, dans un endroit typique de Beyrouth. » Sébastien Valiela range son matériel, et Takieddine rejoint ses accompagnateurs restés à quelques mètres pendant la séance photo. Le journaliste de Paris Match a rejoint son hôtel pour écrire son article.
« À ce moment-là, le groupe revient vers moi en me disant qu’il faut faire une vidéo, raconte le photographe. Je réponds que je peux filmer avec mon téléphone. [...] Je ne suis pas un spécialiste de la vidéo, mais je lui dis de se mettre sur un petit banc où il y avait mes affaires. Je lui installe un micro, je fais un décompte et il part. Il me fait son discours. À la fin du premier, il enlève le truc, il dit “non, non”, puis il veut en faire une seconde. Et il recommence une deuxième fois. »
« Cela s’est décidé sur place, a poursuivi Sébastien Valiela. À un moment, on avait pensé filmer l’interview mais Takieddine n’était pas d’accord. [...] La vidéo sur le port, ça s’est fait en dernière minute. Je pense qu’au début, Match ou Mimi préféraient que l’interview soit filmée parce qu’il se contredit toutes les cinq minutes. Mais il a refusé. Après ça s’est décidé quand je rangeais mon matériel, si ça se trouve c’est Takieddine qui a demandé. Je ne sais pas, moi j’étais en train de ranger mon matos quand ils ont décidé ça. »